Combat Nature n°134, août 2001Un problème de santé publique : le radon
Le radon provient de la désintégration de l’uranium 238 présent dans des proportions diverses dans les roches, principalement dans le granit (voir la chaîne de désintégration ci-contre). C’est un gaz rare, c’est à dire sans activité chimique, qui peut donc migrer dans le sol. Ayant une durée de vie courte (3,8 jours), la plus grande partie se désintègre dans le sol ou dans l’atmosphère sans nuisance. En cas de pénétration dans les habitations, il a tendance à s’accumuler dans les parties basses car il est plus lourd que l’air. Une exposition prolongée au radon peut alors avoir des conséquences pour la santé.La principale source de radon dans les maisons provient d’émanations du sol et/ou de formations rocheuses souterraines. Les concentrations élevées sont généralement associées aux roches granitiques, volcaniques, aux schistes et à des roches sédimentaires contenant du quartz. Ainsi le centre de la France, la Bretagne, les Vosges, les Alpes ou la Corse sont particulièrement exposés. Mais même en Champagne, où les terrains sont surtout calcaires ou argileux, des valeurs étonnamment élevées ont été détectées. Le radon provenant du socle sous-jacent a, par conséquent, traversé toutes les couches sédimentaires dont les fameuses argiles du Callovo-Oxfordien, où l’ANDRA espère enfouir des déchets nucléaires… Dans une même région, deux maisons voisines peuvent avoir des concentrations très différentes en fonction du terrain sur lequel elles sont bâties (présence de failles ou fissures), le mode de construction et l’aération. En hiver, les concentrations sont généralement plus élevées qu’en été, ainsi que la nuit par rapport au jour. A proximité des mines d’uranium, de dépôts uranifères ou de phosphates, l’exposition peut être très élevée. Surtout si, comme c’est parfois le cas, des résidus miniers uranifères ont été utilisés comme matériau de construction. Ce n’est qu’à partir de 1983 que leur utilisation à été limitée aux remblais routiers.
Lors de son étude sur l’augmentation de leucémies chez les jeunes à La Hague, le professeur Viel a mis en évidence une corrélation avec le fait d’habiter dans une maison en granit. Mais ce sont surtout les risques de cancer du poumon qui sont à craindre. En effet, le rayonnement alpha émis par le radon et certains de ses descendants, est constitué d’un noyau d’hélium qui est facilement arrêté par les tissus pulmonaires. Pour les fumeurs, les risques sont beaucoup plus grands. Des enquêtes épidémiologiques ont mis en évidence une corrélation entre l’exposition au radon dans les mines et l’apparition de cancers du poumon chez les mineurs. Aux Etats-Unis, selon l’agence pour la protection de l’environnement (EPA), le radon serait à l’origine de 7 000 à 30 000 morts par an. Parce qu’il est facile à détecter, cette agence recommande que chaque maison soit contrôlée.
Pour cela, un détecteur ad hoc (voir fiche technique) doit être placé de 15 jours à quelques mois dans la pièce suspectée ou dans celle où l’on passe le plus de temps. Cela permet de connaître la concentration moyenne en radon dans l’air pendant la période de mesure. Le résultat est exprimé en becquerel par mètre cube (Bq/m3), le becquerel correspondant à une désintégration par seconde. Les pouvoirs publics, après avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, ont émis les recommandations suivantes (circulaire DGS/DGUHC n°99/46 du 27 janvier 1999) :
Aux Etats-Unis, l’EPA recommande de maintenir un niveau moyen inférieur à 148 Bq/m3 et rappelle que même en dessous de cette limite, le radon est nocif. En cas de dépassement de ces limites, il est donc souhaitable d’entreprendre des travaux pour limiter le radon, soit en l’évacuant par ventilation ou en l’empêchant d’entrer. Souvent, des mesures très simples suffisent, mais, contrairement au Canada, aucune subvention d’Etat n’est prévue en cas de coûts élevés.
- 1000 Bq/m3 : seuil d’alerte justifiant la prise rapide de mesures conséquentes ; possibilité de fermeture dans la cas d’un bâtiment public.
- 400 Bq/m3 : seuil de précaution au dessus duquel il est souhaitable d’entreprendre des mesures correctrices simples.
- 200 Bq/m3 : valeur guide à ne pas dépasser pour les bâtiments à construire.
Les autorités françaises sont donc plus réservées que les américaines et il n’y a pas de dépistage systématique. Seule une circulaire émet quelques recommandations qui ne sont pas toujours respectées. Un Atlas du radon, créé récemment par l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN), présente des statistiques sur les mesures effectuées. Mais, certaines valeurs extrêmes ont été volontairement écartées. Selon un des responsables de la radioprotection au sein de cet institut (Le Figaro du 19 février 2001) : " Nous ne voulons pas rentrer dans la logique du pire, car c’est contre-productif. Le stress, lui aussi, est pathogène ". C’est à cause de ce genre d’attitude des autorités que l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest, a été créée à la suite de la catastrophe de Tchernobyl. Dotée d’un laboratoire indépendant d’analyse de la radioactivité, elle a pour but de permettre au citoyen de s'approprier la surveillance de son environnement. La mesure du radon, simple et bon marché, est un des services proposés.
Invisible, inodore, le gaz radon passe inaperçu. Bien que posant des problèmes de santé publique, il ne constitue pas non plus une des priorités des autorités sanitaires. Il serait pourtant prudent, surtout pour les personnes habitant dans des régions où des niveaux élevés existent, de contrôler leur maison et/ou leur lieu de travail. L'IPSN estime que 75 000 habitations de notre pays se situent au-delà du seuil d'alerte de 1000 Bq/m3.
Pour faire une analyse radon : un détecteur peut être envoyé par la poste avec une simple notice d’utilisation. La méthode de mesure retenue par l’ACRO est conforme à la norme AFNOR NF M 60-766 et est bon marché (150 F par analyse + frais de port). Pour en savoir plus : l’ACROnique du nucléaire n°44 de mars 1999 consacre un dossier au radon, 30F, frais de port inclus. Liens : - La mesure du radon, fiche technique extraite de l'ACROnique du nucléaire n°44, mars 1999
- L'atlas radon de l'IPSN
- Le radon dans l'habitat par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment
- Ministère de la santé du Canada, avec un guide à l'usage des propriétaires
- L'aide financière canadienne pour faire face au radon
- La liste des publications sur le radon de l'Environment Protection Agency, Etats-Unis (en anglais)